De nouvelles complexités dans le processus de projet urbain

dead-drop-barthollDead Drops d’Aram Bartholl

La société est en pleine évolution si ce n’est révolution. On perçoit des changements de mentalité, concomitants aux crises économiques et à la révolution technologique que représente internet ; des termes, des postures, des actions, des métiers apparaissent tels que prosumers, économie solidaire, DIY, Makerfaire, co-voiturage, qui illustrent ce basculement de posture.
Cette évolution impacte aussi le projet urbain : il y a aujourd’hui une vraie volonté de ville citoyenne. Celle-ci résulte à la fois  d’une démarche de concertation publique qui est de moins en moins perçue comme  contre pouvoir et qui verse doucement vers une posture de confiance en l’intelligence collective et possibilités des ressources locales. Cette volonté résulte aussi de manifestations de plus en plus nombreuses d’habitants soucieux d’impacter sur leur environnement, sur leur territoire ; les termes démocraties locales, processus participatifs, démocratie participative commencent ainsi à rentrer dans le langage courant.

Or le mode de conception de la ville correspond au modèle de ville désiré. Pour faire une ville qui implique les gens, il faut mettre en place des processus de projets eux même participatifs.
Et cette approche transversale réinterroge les outils traditionnels d’élaboration de projets urbains qui ne sont plus suffisants dans cette nouvelle démarche qui exige d’être dynamique, itérative, collaborative, qui implique des temporalités multiples.

L’ouverture du processus de création de la ville a induit des concepts fondateurs

LA CONTEXTUALISATION DU TEMPS DE L’ETUDE DANS L’ESPACE PUBLIC

Jusqu’à présent, le processus de l’étude urbaine se réalisait essentiellement au sein des agences avec des temps de validations institutionnels, et l’expression des projets prenait la forme d’un plan masse figé. Le temps d’étude était dissocié du temps du projet.
L’ouverture du processus de création de la ville a induit un premier acte fondateur : les temps d’échanges avec des partenaires multiples ont provoqué la diversification des lieux de réflexion et d’élaboration, la rencontre avec les acteurs locaux a incité à décloisonner physiquement des lieux institutionnels ou techniques pour se réaliser in situ.  Les temps de réflexion, de débat et de propositions urbaines, ouverts à tous, se sont implantés dans l’espace public, espace démocratique symbolique.

UNE APPROCHE ADHOCRATIQUE

Que ce soit par conviction politique, philosophique, sociologique, le processus de démocratie technique demande une mise en oeuvre spécifique. Reposant sur la confiance en l’intelligence et la créativité collectives, il pose chaque intervenant comme porteur d’une expertise. Les partenaires de projet deviennent alors bien plus nombreux, le comité d’élus et de techniciens du territoire s’élargit aux habitants, à tout acteur local désireux de s’impliquer, ainsi qu’à tout intervenant pouvant apporter une plus value à la co-élaboration, tendant à constituer ainsi des systèmes adhocratiques. Si la responsabilité de la prise de décision finale impute toujours au politique, les temps d’élaboration du projet se déroulent selon le principe où tout le monde peut intervenir en se voulant porteur de l’intérêt collectif. Les expertises croisées dans un mode horizontal devront permettre de faire émerger une ou des solutions les plus adéquats.

DES TEMPORALITES CORRESPONDANT A CELLES DE LA VILLE

Au delà de l’élargissement politique, la volonté de co-construction d’une vision commune impacte aussi la dimension temporelle du faire la ville. Jusqu’à il y a peu, le processus urbain, essentiellement linéaire, se composait de temps de réflexion et d’élaboration de projets théoriques, rythmés par les différentes nécessaires validations, pour ensuite mener, dans une autre temporalité, à la réalisation.
Les processus collaboratifs ont l’avantage et la nécessité de générer des dynamiques de projet immédiates que ce soit par les débats actions, les initiatives, le changement de perception du territoire qui se pérennise et vont au-delà du temps de l’étude. Le nouveau processus urbain confère ainsi une matérialité à la traditionnelle étude urbaine. L’intitulé même d’ « étude » va certainement évoluer puisque celle-ci ne se confine plus seulement au domaine intellectuel, ni au préalable, elle s’inscrit aussi dans une temporalité et dans un faire immédiats.