Retour d’expérimentation d’un MOOC : quand le numérique reconstruit l’espace physique

En début d’année le MIT a expérimenté pour la première fois une version MOOC interactive de son cours Learning Creative Learning, ce qui était plus que pertinent puisque le contenu de ce cours développe les potentiels des nouveaux outils numériques dans un apprentissage participatif et créatif.
Mais qu’est-ce qu’un MOOC ? Le MOOC, Massive Open Online Course, est la diffusion en ligne de cours d’Universités, qui permet ainsi à des individus de partout dans le monde d’avoir accès à ces enseignements. Pour l’instant, cela ne permet pas encore d’obtenir des diplômes, même si certaines universités commencent à distribuer des certificats de “complétions”.

Le MOOC…. une MASSIVE gestion technique
J’ai fait partie de ce MOOC en tant qu’élève, et le premier challenge auquel j’ai pu participer a été de construire l’infrastructure qui permette de composer et rendre actifs les 24 000 inscrits dans le monde entier que nous représentions. La stratégie a d’abord été de nous répartir en petits groupes d’une quinzaine de personnes en fonction de notre localisation géographique afin de faciliter les échanges en temps réels. Le MIT a ses outils préférentiels, dont Google, et on s’est donc constitué en de multiples micro Google Communities.
En parallèle de la mise en place technique du MOOC, les cours ont commencés. Ils était organisés selon   une formule hebdomadaire de  deux heures de conférences en ligne, associés à une liste de lectures et d’exercices, eux aussi hebdomadaires.
Le fait d’être associé dès le début du cours à une communauté a eu un impact immédiat : dans chaque communauté, des mails, des tweets, des videos en Hangout et même des blogs individuels se sont développés spontanément, pour échanger autant sur les sujets des cours que sur la gestion technique de groupe et ont donné  une autre dimension aux deux heures de cours.
Dave Cormier, enseignant chercheur et Manager du Département Web Communications and Innovations à l’Université de Prince Edward Island, explique parfaitement dans la vidéo ci dessous tous les phénomènes parallèles induits par le MOOC.

mooc-video-still-2extrait de la vidéo de Dave Cormier

Le MOOC comme générateur de systèmes riches mais dans une dynamique unilatérale
La communauté de 24 000 individus s’est auto-nourrie, a constitué ses propres systèmes avec les medias numériques, ses propres dynamiques, des intensités d’échanges différentes en fonction des implications de chacun et a construit dans le temps une multitude de micro communautés d’intérêts autonomes.
L’activité des communautés est bien la preuve de l’intérêt du MOOC, cependant il est resté frustrant de ne pas voir d’interaction se produire entre les échanges périphériques des étudiants et le déroulé du cours, comme si les systèmes se développaient de manière parallèle, avec des fonctionnements propres ; seul le dernier cours a évoqué les une restitution  finale de ce qui s’est produit ayant eu lieu.
Or l’absence de lisibilité de l’impact de nos actions restait malgré tout un élément peu stimulant dans l’implication sur le long terme, d’autant plus que le contenu des cours lui-même expliquait l’importance du retour immédiat dans la progression de l’apprentissage.
Un des enjeux des MOOC serait donc d’être capable d’intégrer  des retours réguliers du processus en cours.

Le virtuel augmenté
Il est aussi assez vite apparu que le tout-on-line avait aussi un caractère limité. Tout d’abord, parce que la linéarité du virtuel finit toujours par épuiser toute dynamique, et que la gestion de la temporalité et du rythme est un élément inéluctable dans tout processus.
physical-communityCe sont des envies spontanées de vivre physiquement une expérience commune qui se sont exprimées dans certains messages.
J’ai du moi-même provoquer l’implication d’une communauté physique complémentaire pour répondre à un des exercices de la liste. Il s’agissait d’un exercice ludique illustrant les dynamiques de groupe “Le problème du Mashmallow” qui impliquait un paquet de spaghetti, un mètre de ruban adhésif, un mashmallow, des cerveaux…mais aussi des mains !
Ma communauté google accessible par hangout n’était alors pas suffisante, et c’est ainsi que j’ai sollicité les coworkers de Superbelleville qui s’est ainsi retrouvée intégrée dans le système MOOC. Et évidemment, ce temps d’expérimentation avec ses échanges, disputes, rigolades, satisfactions a participé à la motivation pour retourner dans le groupe virtuel et échanger sur les expériences individuelles.

Du matériel urbain contemporain pour des communautés virtuelles
Paradoxalement, le questionnement sur des émancipations et possibles rendus par l’usage d’outils numériques a réintroduit la nécessité d’espaces physiques, espaces dans le sens moments de partage, mais aussi en tant que lieux.  Or les formalisations matérielles de communautés virtuelles ont des qualités spécifiques, elles sont temporaires, informelles, spontanées, demandent de l’adaptabilité et se réalisent actuellement dans des espaces appelés communément « les tiers lieux ». Ce concept croît en visibilité comme l’on devient conscient de ce que ces lieux particuliers représentent comme outils,notamment en terme de créativité, réseau, amélioration du quotidien de la vie de free lance, mais aussi par ce qu’ils constituent déjà dans les faits de véritables besoins actuels.

En tant qu’urbanistes ou programmistes urbains, il convient d’intégrer ce type d’espaces comme nouveau levier de dynamisme économique, social et culturel local, en gardant conscience que ces lieux physiques s’inscrivent aussi dans des réseaux immatériels.
Mais il s’agit aussi de s’interroger sur les caractéristiques de ces espaces tant dans le contenu que dans la forme. Ces espaces doivent-ils être neutres ou doivent-ils développer des spécificités programmatiques liées aux communautés qu’ils reçoivent et génèrent ? De même, la configuration de ces espaces constitués par des besoins, des rythmes, des individus, à la fois matériels et immatériels, va-t-elle générer de nouvelles formes architecturales ?

Cet article a été rédigé dans le cadre de la résidence  de recherches mise à disposition par Hugh Dutton Associés localisée à Superbelleville et fait suite au premier article de cette m^me résidence Learning creative learning : la contemporanéité du modèle des Kindergarten.